Gilles Geneviève
La discussion philosophique |
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Déroulement : l'émergence de la question La meilleure façon de remplir
les conditions répondant aux principes exposés est de ne rien prévoir ni préparer avant le début de l’atelier. Je
commence donc par demander aux participants quels mots importants leur
viennent spontanément à l'esprit, sachant que nous serons amenés à discuter sur
l'un d’entre eux. Une trace de ces propositions est inscrite sur un support visible
de tous. Très vite, tous, même les enfants, comprennent qu'il est préférable de proposer
des mots ayant trait à des notions abstraites comme la vie, la mort, l'amitié,
les sentiments, les relations interpersonnelles et autres. Il s'agit ensuite pour chacun de
choisir un de ces mots et d’élaborer autour de celui-ci une question d'ordre
général. Avec le mot « mort », on préférera donc « Pourquoi
meurt-on ? » à « Comment Henri IV est-il mort ? » On voit bien que le champ des
possibles est infini puisqu’il n'est pas rare qu’une dizaine voire une
quinzaine de mots soient proposés, chacun pouvant entrainer la rédaction d’un
nombre significatif de questions, alors qu’une seule de toutes les questions
élaborées pourra être traitée lors du temps de discussion qui va suivre. Il importe de choisir
celle qui répond aux aspirations du plus grand nombre. Ce choix s'effectue par
un vote à main levée, après que ceux qui le souhaitent ont tenté de définir
les raisons qui les poussent à choisir une question plutôt qu’une autre. A l'issue de ce premier moment,
qui peut durer entre 30 et 45 minutes, on se retrouve donc avec une question
qui est réellement l'émanation du groupe réuni ce jour-là. Dans bien des démarches divergentes de la mienne, c’est l'adulte qui apporte le sujet de discussion en l’imposant purement et simplement (« Aujourd’hui, nous allons nous demander ce que c’est, un chef ! ») ou en tentant de le faire émerger de textes qu'il a lui-même choisis, ce qui ne peut qu'être inducteur. Il me semble qu'on a alors affaire à une contradiction interne de la démarche, car on tente de faire comprendre aux membres du groupe qu'ils sont libres d'entrer en discussion, tout en leur en imposant le thème. Or, pour moi, la philosophie ne peut être qu’existentielle. Elle doit tenter de répondre à des questionnements ou à des interrogations issus directement du vécu, et elle doit avoir des conséquences dans la vraie vie. Comment supposer qu'une question apportée par l'animateur puisse répondre à ces critères ? Elle fait probablement figure de question existentielle pour lui, parce qu’il ne choisit pas cette thématique au hasard mais en réponse à des intentions, conscientes ou non. Qu’elle réponde aux interrogations des participants à la discussion, c’est beaucoup moins sûr… Cette
façon de procéder peut être
considérée comme ma démarche "de base", celle que
j'entends employer de façon systématique et majoritaire,
dans tous les groupes auprès desquels j'interviens. Mais, bien
évidemment, cette démarche n'a pas vocation à
l'hégémonie. Il peut être éminemment
intéressant, lors de certaines séances, d'appliquer les
habiletés développées en questionnant
philosophiquement une oeuvre d'art (roman, film, oeuvre graphique,
musicale ou autre), un évènement d'actualité, etc. |